Depuis 2018, le Cameroun mène une opération ambitieuse d’assainissement du fichier solde de l’État, visant à éliminer les fonctionnaires fictifs de ses registres. En trois ans, cette initiative, lancée par le président Paul Biya, a permis la radiation de plus de 3500 agents publics et la mise sous surveillance de 5500 autres, avec un objectif clair : rationaliser les dépenses publiques en supprimant les irrégularités administratives.
Un Processus Rigoureux et Structuré
Au cœur de cette opération, chaque fonctionnaire doit prouver physiquement son existence et fournir des justificatifs de son recrutement. « Chaque fonctionnaire émargeant des caisses de l’État doit fournir une preuve physique et des justificatifs de son recrutement », a rappelé Joseph Le, ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative.
Depuis 2018, deux bilans principaux ont été publiés :
- Mai 2021 : 1981 licenciements et 428 révocations annoncés.
- Novembre 2024 : 1172 nouvelles radiations.
En tout, 3577 agents ont été exclus des registres de l’État. Les motifs de ces exclusions incluent l’absentéisme non justifié, des cas de démission ou de décès non déclarés. Ces radiations touchent des profils variés : enseignants, infirmiers, cadres administratifs et techniciens.
Un Impact Financier Significatif
Les fonctionnaires fictifs représentent une lourde charge pour les finances publiques. Selon Cyrille Edou Alo’o, directeur général du Budget, ils coûtent environ 10 milliards de francs CFA par an à l’État. La première phase de l’opération, en 2021, avait permis d’économiser près de 30 milliards de francs CFA, soit environ 6 % de la masse salariale mensuelle de l’État, estimée à 90 milliards de francs CFA. « Cette campagne offre une bouffée d’oxygène à nos finances publiques », avait déclaré Alo’o en 2018.
Résistance et Mesures de Sanction
Malgré des convocations répétées, seules 601 personnes concernées ont répondu aux demandes des autorités ou fourni des explications. Parmi elles, 177 agents ont été réintégrés après examen de leur dossier. D’autres ont été sanctionnés pour avoir présenté de faux documents. Les fonctionnaires injustement radiés conservent néanmoins la possibilité de déposer un recours.
Un Problème Persistant Malgré les Efforts
Ce phénomène des fonctionnaires fictifs n’est pas nouveau au Cameroun. En 2005, une campagne similaire avait déjà révélé l’existence de 500 agents fictifs au ministère des Finances. Dix ans plus tard, en 2015, une liste de 10 000 fonctionnaires avait été publiée pour clarifier leur situation administrative. Bien que des systèmes informatiques tels que le SIGIPES aient été introduits pour améliorer la gestion des ressources humaines, ces dysfonctionnements persistent.
Une Volonté Politique Renouvelée
Face à ce problème tenace, le président Paul Biya a réaffirmé, dans une circulaire d’octobre 2024, l’importance de poursuivre l’assainissement. Il a exigé la suppression des salaires ou pensions indus ainsi que la radiation des agents irréguliers. Avec encore 5500 agents suspectés, le gouvernement reste déterminé à éradiquer ce fléau.
L’opération d’assainissement du fichier solde symbolise une volonté politique forte d’assainir les finances publiques et de restaurer l’intégrité administrative au Cameroun. Si des progrès notables ont été réalisés, la lutte contre les fonctionnaires fictifs reste un défi de taille pour le pays, nécessitant une vigilance et un engagement constants des autorités.