Le président de la transition gabonaise, Brice Clotaire Oligui Nguema, a lancé une offensive stratégique visant à prendre le contrôle de BGFIBank, première banque d’Afrique centrale. Avec l’appui de son conseiller Pierre Duro et de la task force chargée de l’apurement de la dette de l’État, il cible les parts détenues par Delta Synergie, la holding emblématique de la famille Bongo.
Cette démarche, officialisée dans une lettre datée du 25 novembre 2024 et adressée à Delta Synergie, réclame la cession des 9,91 % que la holding familiale détient dans le capital de BGFIBank Holding Corp. En échange, l’État propose d’abandonner un audit en cours et d’effacer les dettes fiscales et douanières de ses filiales, dont la Société gabonaise de service. Cette initiative, validée par Oligui Nguema, s’inscrit dans une volonté de réduire l’influence économique du clan Bongo et de renforcer le contrôle étatique sur l’institution bancaire.
À la tête de Delta Synergie, Pascaline Bongo, sœur de l’ancien président Ali Bongo, dispose d’un délai jusqu’au 6 décembre 2024 pour accepter ou rejeter cette proposition. Un refus pourrait gravement compromettre la stabilité financière du clan, historiquement dépendant des ressources générées par BGFIBank depuis 2009.
L’issue de cet affrontement pourrait modifier les équilibres de pouvoir au Gabon, tout en exposant le pays à des tensions politiques et économiques majeures.
Au centre de cette bataille se trouve Henri-Claude Oyima, PDG de BGFIBank depuis 1985 et figure clé de son expansion. Sa loyauté passée envers l’ancien président Omar Bongo, père d’Ali Bongo, lui a permis de consolider la banque, qui a enregistré en 2024 un résultat record de 100 milliards de francs CFA.
Cependant, ses relations avec la junte au pouvoir se sont considérablement détériorées. Initialement perçu comme un allié après le coup d’État d’août 2023, Oyima est désormais soupçonné par Oligui Nguema et son entourage, notamment Pierre Duro, de nourrir des ambitions politiques. Ces tensions nourrissent les spéculations sur un remaniement qui pourrait pousser Oyima vers une fonction gouvernementale symbolique, marquant son retrait de la tête de BGFIBank.
Le projet de reprise de BGFIBank dépasse la seule question de Delta Synergie. L’État viserait également les 9,25 % détenus par Oyima via sa holding Nahor Capital, ainsi que d’autres participations, notamment celles de la famille Sassou-Nguesso du Congo-Brazzaville, actionnaire via Yao Corp.
Cette situation pourrait raviver les tensions entre Libreville et Brazzaville, où le clan Sassou-Nguesso surveille avec attention les évolutions. La potentielle implication d’Omar-Denis Junior Bongo, petit-fils de Denis Sassou-Nguesso, renforce ces inquiétudes.
En s’attaquant frontalement au clan Bongo et à BGFIBank, Oligui Nguema prend un pari risqué. Une telle offensive pourrait engendrer des répercussions économiques et politiques, notamment en ébranlant la confiance des investisseurs internationaux.
La prise de contrôle de BGFIBank, si elle venait à être perçue comme une intervention étatique excessive, pourrait fragiliser la position de la transition gabonaise sur la scène internationale. Par ailleurs, un conflit prolongé avec le clan Bongo, encore influent, pourrait déstabiliser le climat politique interne à un moment critique de la transition.
Malgré ces défis, le président de la transition semble déterminé à réorganiser les leviers économiques du pays, en les détachant de l’héritage Bongo. Une stratégie qui, bien qu’audacieuse, reste périlleuse dans un contexte déjà fragile.