À l’approche de son introduction très attendue sur la Bourse des Valeurs Mobilières de l’Afrique Centrale (BVMAC) prévue pour le 31 juillet 2025, le géant bancaire BGFI Holding traverse une zone de turbulences inédite. Une crise ouverte au sommet oppose désormais deux figures majeures du capitalisme gabonais : Henri-Claude Oyima, président du groupe et ministre de l’Économie, et Christian Kerangall, actionnaire historique resté jusqu’ici dans l’ombre. Ce bras de fer, devenu public à travers une interview choc dans L’Union, jette une lumière crue sur les fractures internes d’un des fleurons bancaires africains.
Après plus de trente ans de silence, Christian Kerangall, patron du groupe Sogafric et détenteur d’environ 13 % du capital de BGFI Holding, est sorti de sa réserve pour dénoncer une gouvernance opaque, des décisions prises « en force » lors de l’Assemblée générale extraordinaire de juin 2025, et une IPO jugée précipitée. Il affirme que plusieurs décisions structurantes ont été prises sans consultation réelle des actionnaires, remettant en cause la légitimité du processus en cours.
Face à lui, Henri-Claude Oyima, figure tutélaire de la finance régionale et artisan de l’expansion spectaculaire du groupe, reste droit dans ses bottes. Pour lui, cette entrée en Bourse – valorisée entre 120 et 141 milliards FCFA – est une étape historique qui doit inscrire BGFI dans la cour des grandes institutions financières internationales. Mais le double rôle d’Oyima en tant que président de BGFI et ministre de l’Économie suscite des critiques croissantes, alimentant des soupçons de conflit d’intérêts.
L’Initial Public Offering (IPO) devait incarner l’ouverture et la modernité du groupe. Elle risque désormais de symboliser l’implosion de son équilibre interne. Christian Kerangall, affirmant ne pas être seul dans son combat, dit bénéficier du soutien d’autres actionnaires, dont des investisseurs institutionnels étrangers préoccupés par le manque de transparence dans la gouvernance.
« Cette crise interne, en amont de l’IPO, est un signal d’alerte pour les marchés », analyse un enseignant en sciences économiques à l’Université Omar Bongo (UOB). « La fracture entre actionnaires emblématiques révèle un risque de gouvernance structurel qui pourrait impacter à la fois la valorisation et la stabilité du titre une fois coté. »
L’expert met également en garde contre les effets domino : perte de confiance des investisseurs, hausse de la volatilité du titre, et dommages durables à l’image du groupe dans un contexte où la solidité institutionnelle est scrutée de près.
L’affaire dépasse les cercles financiers. À Libreville comme à Paris, la réputation de BGFI en tant que locomotive du système bancaire panafricain est en jeu. Alors que le groupe ambitionne de renforcer sa présence à l’échelle continentale, la guerre interne révèle des dysfonctionnements profonds jusque-là dissimulés.
L’IPO, censée être un levier de croissance, pourrait paradoxalement devenir une source d’instabilité, si les lignes de fracture ne sont pas rapidement traitées.
Au-delà du choc des egos, cette crise pose une question de fond : la gouvernance des grands groupes en Afrique centrale est-elle prête pour l’exigence des marchés financiers ? La réponse, dans le cas de BGFI, dépendra de la capacité de ses dirigeants à apaiser les tensions, à garantir un processus transparent, et à instaurer un véritable dialogue avec tous les actionnaires.
Sans cela, l’entrée en Bourse pourrait marquer non pas un envol, mais une zone de turbulences prolongée, à fort potentiel de dommages collatéraux pour l’ensemble du secteur bancaire régional.
Une IPO (Initial Public Offering ou introduction en Bourse) est une opération par laquelle une entreprise propose pour la première fois ses actions au public via un marché financier. L’objectif est souvent de lever des fonds pour financer sa croissance, diversifier son actionnariat ou accroître sa notoriété. Elle implique toutefois un haut niveau de transparence, des obligations réglementaires strictes et une gouvernance solide.
Selon, tvplusafrique