Akanda : le scandale des chiffres électoraux fragilise la crédibilité des institutions

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Libreville, 30 septembre 2025 – L’élection législative partielle dans la commune d’Akanda a pris des allures de révélateur des fragilités démocratiques au Gabon. La spectaculaire volte-face de la Commission nationale d’organisation et de coordination des élections et du référendum (CNOCER), sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, a mis en lumière les failles d’un système électoral déjà marqué par la défiance citoyenne.

Le 29 septembre au matin, la CNOCER annonçait des résultats provisoires pour le 2ᵉ arrondissement d’Akanda, un taux de participation de seulement 16,88 %, plaçant Jean Gaspard Ntoutoume Ayi (Union Nationale) à 870 voix, derrière Franck Joseph Fernand Nguema (879 voix).

Mais quelques heures plus tard, à la suite d’une conférence de presse musclée de Ntoutoume Ayi, brandissant les procès-verbaux des 54 bureaux de vote et dénonçant une « falsification ignoble », l’institution électorale publiait une nouvelle série de chiffres, 7 665 suffrages exprimés, un taux de participation relevé à 31,07 % et 1 622 voix pour Ntoutoume Ayi, désormais en ballotage favorable pour le second tour, derrière Pascal Franck Nzé Ndong (1 699 voix).

L’écart est saisissant : le nombre de votants a presque doublé et le principal contestataire a vu son score bondir de 752 voix. Un tel revirement dépasse le cadre d’une « erreur technique » ; il soulève la question d’un dysfonctionnement grave, voire d’une tentative de manipulation. Sans la pression publique exercée par le candidat de l’opposition, la rectification aurait-elle eu lieu ?

Cette affaire révèle une double crise, celle de la CNOCER, censée incarner l’intégrité et la neutralité du processus électoral, et celle du ministère de l’Intérieur, perçu comme juge et partie. L’incapacité à expliquer la correction massive des chiffres entame leur légitimité.

Ce scénario alimente le soupçon structurel qui pèse sur les institutions électorales au Gabon : la vérité des urnes dépend plus de la vigilance des candidats et de la société civile que des garde-fous institutionnels. Cette dépendance à des contre-pouvoirs informels fragilise l’État de droit et nourrit l’instabilité politique.

L’épisode d’Akanda, censé être une simple élection locale, s’est mué en test grandeur nature de la transparence électorale. À l’ère post-coup d’État de 2023, où les autorités de transition promettent une rupture avec les pratiques opaques du passé, cette affaire risque d’éroder la confiance dans le processus de retour à l’ordre constitutionnel.

Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, en évoquant les errements qui ont précédé le coup d’État, a mis en garde, persister dans ces dysfonctionnements reviendrait à prolonger le cycle d’instabilité politique. Le message résonne comme un avertissement, une démocratie qui repose sur le courage individuel plutôt que sur des institutions solides reste vulnérable.

Pour la CNOCER et le ministère de l’Intérieur, le défi est désormais de restaurer la confiance, expliquer publiquement les causes de ce revirement, renforcer la formation des agents électoraux et garantir que de telles anomalies ne se reproduiront pas lors des scrutins nationaux à venir.

L’incident d’Akanda illustre que la consolidation démocratique ne se limite pas à organiser des élections ; elle repose sur la crédibilité des chiffres, la traçabilité des résultats et la neutralité des institutions. Sans ces prérequis, les scrutins risquent d’être perçus comme des batailles de coulisses plutôt que comme l’expression de la souveraineté populaire.

À l’approche des législatives générales et locales, cet épisode est un signal fort : la réussite du processus électoral ne dépendra pas uniquement de l’organisation logistique, mais de la capacité des institutions à garantir la transparence, la rigueur et la confiance du public.

Le cas d’Akanda démontre que, malgré le discours de réforme, les vieilles pratiques, opacité, improvisation, suspicion de manipulation, continuent de hanter la démocratie gabonaise.

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