Le ton est grave et la mise en garde explicite. Lors d’une conférence de presse tenue mardi, Alain-Claude Bilie-By-Nze, ancien Premier ministre et président du parti Ensemble pour le Gabon (EPG), a interpellé directement le chef de l’État, Brice Clotaire Oligui Nguema, sur la crise née des élections jumelées du 27 septembre.
Qualifiant le scrutin de « naufrage », l’opposant a rappelé que le coup d’État du 30 août 2023 s’était précisément fondé sur le refus de cautionner « des résultats tronqués ». « Vous n’avez pas le droit aujourd’hui de laisser prospérer les résultats tronqués d’une élection bâclée. Il y va de votre crédibilité », a-t-il lancé dans une adresse solennelle.
Bilie-By-Nze estime que la transition se trouve face à un dilemme :
« Soit écouter les voix lucides de milliers de Gabonais qui demandent l’annulation du scrutin, soit céder aux faucons qui affirment que tout va bien. »
En soulignant que le CTRI avait dénoncé en 2023 une élection « non transparente, non crédible et non inclusive », il a pointé l’ironie d’un régime de transition accusé aujourd’hui de reproduire les mêmes pratiques.
« Ce choix, vous ne l’aurez pas deux fois durant ce septennat. Le peuple vous regarde », a-t-il martelé.
L’ancien Premier ministre pose une alternative : annuler le scrutin pour sauver l’honneur de la République, ou persister et « signer l’échec définitif de la transition ». Il qualifie de « fraude d’État » les irrégularités observées, plaçant le président devant ce qu’il présente comme un choix historique pour la légitimité de la Ve République, encore fragile.
Cette sortie marque un tournant politique : Bilie-By-Nze s’affirme comme l’une des principales figures d’une opposition qui cherche à redevenir audible. L’adresse directe au chef de l’État – rare par sa vigueur – dépasse le cadre partisan : elle engage la question plus large de la sincérité du processus démocratique.
En réclamant l’annulation pure et simple du vote, l’opposant ne se limite pas à un débat technique, il met en cause le fondement même de la légitimité du nouveau pouvoir. Cette stratégie pourrait renforcer sa stature de contre-pouvoir et cristalliser le mécontentement de certains électeurs déçus par la conduite du scrutin.
L’intervention de Bilie-By-Nze souligne les fragilités structurelles du système électoral gabonais, absence d’arbitrage indépendant incontesté, lenteur des corrections d’irrégularités et méfiance croissante vis-à-vis des institutions de transition.
Pour le pouvoir, céder à la demande d’annulation reviendrait à admettre des fautes lourdes et à retarder le retour à l’ordre constitutionnel ; maintenir le processus tel quel pourrait en revanche aggraver la défiance citoyenne et nourrir une contestation durable.
Ce bras de fer annonce une nouvelle phase de tension politique, l’opposition s’organise pour faire du scrutin de septembre un référendum sur la crédibilité de la transition. Dans un contexte où la Ve République peine à asseoir sa légitimité, l’exécutif est désormais sommé de choisir entre la continuité du calendrier électoral et un geste fort pour rétablir la confiance.