L’ancien Premier ministre et président de l’Alliance patriotique (AP), Raymond Ndong Sima, a livré ce vendredi une critique virulente du processus électoral des législatives et locales du 27 septembre dernier. Tout en répondant aux accusations du vice-président de la République, Séraphin Moundounga, il a demandé l’annulation pure et simple des scrutins et la mise en place d’enquêtes pour sanctionner les responsables des irrégularités constatées.
Revenant sur sa première déclaration publiée sur Facebook, où il dénonçait déjà des dysfonctionnements dans l’organisation du double scrutin, Raymond Ndong Sima estime que « le processus électoral a connu une sortie de route ».
Il exhorte le président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguema, à « sortir grandi » de cette crise en ordonnant la reprise complète des élections et en « identifiant et punissant ceux qui se sont constitués en association de malfaiteurs ».
Pour lui, l’enjeu dépasse le simple contentieux électoral : il s’agit de restaurer la crédibilité des institutions et de préserver la stabilité du pays.
Lors de sa déclaration, l’ex-Premier ministre a tenu à répliquer à Séraphin Moundounga, qui lui avait reproché un discours teinté de tribalisme. Ndong Sima a balayé ces accusations qu’il juge « nauséabondes », affirmant qu’elles n’ont aucun fondement et qu’elles nuisent au climat politique.
« Je n’ai formulé aucune incitation à la haine ou à la violence », a-t-il insisté, ajoutant que ses critiques visaient le déroulement du scrutin et non des communautés particulières.
Il accuse le vice-président d’avoir été « mal informé » ou d’avoir agi par « intention malveillante » en calomniant son parti.
Sur le fond, Ndong Sima fustige la mauvaise organisation du scrutin, malgré les avertissements initiaux du chef de l’État sur la nécessité d’un vote crédible et transparent.
Selon lui :
La composition des bureaux de vote a suscité des protestations ;
L’absence de scrutateurs de certains partis a porté atteinte à l’équité ;
Des transferts d’électeurs auraient été opérés de manière irrégulière ;
Les listes électorales auraient été surchargées, compliquant le bon déroulement du vote.
Il dénonce également la distribution de t-shirts pro-présidentiels, estimant que cet acte a rompu la neutralité de l’administration électorale. Il a fait état de scènes de tension et de protestations spontanées survenues le jour du vote.
La sortie de Raymond Ndong Sima révèle une fracture persistante sur la question électorale dans la période de Transition.
Malgré son soutien déclaré au président Oligui Nguema, l’ancien chef du gouvernement met en lumière les contradictions entre le discours officiel sur la transparence et la réalité du terrain. Cette situation expose le pouvoir à un dilemme :
Ignorer ces critiques risquerait d’éroder la légitimité du processus électoral et de nourrir la défiance populaire.
Les prendre en compte suppose d’accepter un réexamen du scrutin, au risque d’affaiblir l’autorité de l’administration électorale et de retarder la mise en place des nouvelles institutions.
Le débat met en relief la fragilité de la démocratie gabonaise en période transitoire : les élections, censées sceller le retour à un ordre constitutionnel stable, deviennent elles-mêmes une source de controverse et d’instabilité.
Raymond Ndong Sima a conclu en réaffirmant son attachement aux valeurs républicaines et à la cohésion nationale :
« La fraude électorale, inacceptable hier, ne l’est pas devenue aujourd’hui », a-t-il martelé, exhortant le président à rester fidèle à ses engagements de transparence et d’intégrité démocratique.
Pour de nombreux observateurs, sa prise de position place le chef de l’État devant une équation délicate : satisfaire aux exigences de justice et d’équité sans compromettre la stabilité politique.
Cette polémique souligne que le véritable défi de la Transition n’est pas seulement technique ou logistique, mais avant tout politique et moral : convaincre l’opinion que les élections sont justes, transparentes et inclusives.
La réponse du pouvoir à cet appel pourrait bien déterminer le degré de confiance citoyenne dans les institutions de la Ve République et la réussite du processus de Transition au Gabon.