Affaire Harold Leckat : entre soupçon financier et inquiétude sur la liberté de la presse au Gabon

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Le monde médiatique gabonais est en émoi depuis la mise sous mandat de dépôt, ce lundi 20 octobre 2025, de Harold Leckat, Directeur de publication du site d’information Gabon Media Time (GMT). Son arrestation, survenue le 15 octobre à l’aéroport international de Libreville, s’inscrit dans le cadre d’une procédure judiciaire le liant à un contrat de communication passé avec la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC).

Selon les premiers éléments de l’enquête, le litige porte sur un contrat signé en 2020 entre la CDC et GMT, d’un montant mensuel d’environ 10,9 millions de FCFA, renouvelé jusqu’en 2024, soit un total estimé à 460 millions de FCFA. Le journaliste est accusé d’escroquerie et de perception indue de fonds, la justice estimant que certaines prestations n’auraient pas été exécutées.
Or, la défense assure détenir des preuves matérielles de ces prestations — factures, rapports et publications à l’appui — et dénonce une procédure « entachée de partialité ».

La nature même des accusations interroge. Les avocats d’Harold Leckat contestent la qualification juridique retenue, soulignant que leur client n’était ni ordonnateur, ni comptable des fonds publics, ce qui exclurait la notion de « détournement de deniers publics ». Selon plusieurs juristes, l’affaire relèverait davantage du droit commercial que du droit pénal, c’est-à-dire d’un différend contractuel à trancher sur le plan civil, et non d’un crime économique.

Le parquet, pour sa part, n’a pas encore rendu publiques les pièces complètes du dossier, maintenant un flou qui nourrit les spéculations.

L’affaire prend une tournure plus sensible encore avec les conditions de garde à vue rapportées par plusieurs organisations de presse et de défense des droits humains. Celles-ci dénoncent un traitement « inhumain » : le journaliste aurait été menotté à une chaise pour dormir dans les locaux de la Direction générale des recherches (DGR).
Cette information, si elle est confirmée, soulèverait de sérieuses questions sur le respect de la dignité humaine et des procédures légales, dans un contexte où les autorités gabonaises affirment vouloir restaurer l’État de droit et la transparence judiciaire.

Au-delà du cas personnel d’Harold Leckat, cette affaire met en lumière une tension récurrente entre le pouvoir, les institutions publiques et la presse indépendante. Dans un environnement médiatique où les acteurs se battent pour l’autonomie et la crédibilité, l’incarcération d’un journaliste reconnu pour son sérieux et son professionnalisme jette une ombre sur la liberté d’expression au Gabon.

Plusieurs observateurs estiment que cette procédure pourrait dissuader d’autres journalistes d’investiguer sur des sujets sensibles liés à la gestion publique. « Ce qui se joue ici, c’est plus qu’un contrat : c’est la capacité des médias à exercer un contre-pouvoir sans crainte de représailles », confie un analyste du secteur.

L’affaire Harold Leckat pose un double enjeu : juridique et sociétal. Juridiquement, elle met en évidence la nécessité de clarifier les frontières entre contentieux commercial et infraction pénale, afin d’éviter les amalgames qui fragilisent la crédibilité de la justice.
Sociétalement, elle invite à repenser les mécanismes de protection de la presse indépendante, garante d’une démocratie saine et d’une gouvernance transparente.

Le défi pour les autorités gabonaises sera donc de démontrer que la lutte contre la corruption et la promotion de l’État de droit peuvent coexister avec le respect des libertés fondamentales.
Si la justice agit dans la transparence et l’équité, cette affaire pourrait devenir une opportunité pour renforcer la confiance des citoyens dans les institutions. Dans le cas contraire, elle risquerait de raviver les doutes sur la neutralité du système judiciaire face aux voix critiques.

En attendant, Harold Leckat clame son innocence depuis sa cellule de la prison centrale de Libreville, symbole malgré lui d’un débat crucial sur l’avenir de la liberté de la presse au Gabon.

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