La conférence de presse animée par le porte-parole de la Présidence, Théophane Nzame Nze Biyoghe, ce 7 novembre 2025, marque un moment clé de la Transition gabonaise. Elle illustre à la fois la complexité du moment politique que vit le pays et la volonté affichée du Chef de l’État de maintenir le cap sur la refondation institutionnelle, malgré les turbulences internes et les tentatives de déstabilisation.
Le séjour du Président Oligui Nguema à Rome s’inscrit dans une stratégie diplomatique de reconquête, qui vise à repositionner le Gabon sur la scène internationale après des années d’isolement relatif. La rencontre avec Sa Sainteté le Pape Léon XIV dépasse le simple protocole : elle symbolise la recherche d’un appui moral et spirituel dans un contexte où la nation doit se reconstruire sur des bases éthiques et sociales solides.
Les accords signés avec le groupe italien GKSD Investment Holding – hôpital moderne, smart city, infrastructures intégrées – traduisent une diplomatie économique pragmatique, tournée vers les besoins concrets du pays.
Cependant, la question demeure : le Gabon a-t-il aujourd’hui la capacité administrative et institutionnelle d’absorber ces projets sans retomber dans les écueils du passé – lenteurs, corruption, absence de suivi ?
Le succès de cette diplomatie dépendra donc moins des annonces que de la mise en œuvre, sur le terrain, d’une gouvernance rigoureuse et décentralisée.
Sur le plan interne, la révision du calendrier de la Transition, désormais fixée à décembre 2025, se veut un acte de clarté. C’est un message d’ordre et de méthode adressé à l’opinion, mais aussi aux partenaires internationaux : la Transition gabonaise n’est pas une aventure politique, elle est un processus encadré par un chronogramme.
Pour autant, la réussite de cette étape dépendra de la transparence du processus électoral à venir. Le peuple gabonais, échaudé par des décennies de promesses non tenues, attend des garanties. Il ne s’agit plus seulement de tenir des élections “libres et transparentes”, mais de démontrer que le nouveau cadre institutionnel – fruit du Dialogue National Inclusif et de la nouvelle Constitution – mettra enfin fin au cycle de méfiance entre gouvernants et gouvernés.
La question énergétique, abordée avec précision par le porte-parole, montre une volonté claire du Chef de l’État de rompre avec le modèle de dépendance et de sous-investissement qui a longtemps plombé le secteur.
La séparation annoncée de la SEEG en deux entités – eau et électricité – pourrait être une réforme structurante, si elle s’accompagne d’une réelle transparence dans la gestion et d’un renforcement du contrôle public.
Le redressement économique, quant à lui, s’esquisse à travers le remboursement de 28,3 milliards de FCFA aux institutions multilatérales. Ce geste, au-delà de sa portée technique, vise à restaurer la crédibilité financière du Gabon, fortement érodée sous les précédents régimes. C’est un message à la fois politique et symbolique : le pays veut redevenir un partenaire fiable.
Mais pour que ce signal soit durable, il devra s’accompagner d’une lutte visible contre les circuits de prédation économique et d’un soutien réel à l’économie locale, notamment aux PME gabonaises.
Enfin, la sortie du porte-parole sur le dossier Sylvia Bongo et Nourredin Bongo Valentin témoigne d’un changement de ton au sommet de l’État. Le pouvoir semble avoir choisi la ligne de la fermeté tranquille : ne pas céder à la provocation médiatique, tout en laissant la justice suivre son cours.
Cependant, il serait naïf de croire que ce procès ne sera perçu que sous l’angle judiciaire. Il s’agit d’un moment politique fort, presque historique, où l’État tente d’affirmer sa souveraineté face à un clan qui symbolisait, depuis plus d’un demi-siècle, la confusion entre pouvoir et patrimoine.
Ce dossier sera donc une épreuve de vérité pour la justice gabonaise. Si elle parvient à se montrer impartiale, rigoureuse et indépendante, elle sortira renforcée et crédible. Dans le cas contraire, toute suspicion d’instrumentalisation pourrait ternir les acquis de la Transition.
Le discours présidentiel, relayé par Théophane Nzame Nze Biyoghe, révèle une cohérence stratégique : diplomatie de conviction, rigueur économique, souveraineté judiciaire.
Mais il met aussi en lumière la fragilité du moment : le Gabon avance, certes, mais sur une ligne de crête, entre espoir populaire et pression politique.
La Transition n’a pas le droit à l’erreur. Si elle réussit, elle ouvrira un nouveau chapitre de l’histoire nationale, fondé sur la responsabilité et la souveraineté. Si elle échoue, elle ne sera qu’une parenthèse dans la longue continuité des désillusions africaines.



