Affaire Pascal Ogowé Siffon : ce que révèle l’analyse des flux financiers du ministère du Tourisme

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De nouveaux éléments issus d’une analyse approfondie des flux financiers viennent jeter une lumière crue sur la gestion des fonds publics au sein du ministère du Tourisme et de l’Artisanat, à l’époque où celui-ci était dirigé par Pascal Ogowé Siffon. Le travail, mené par un analyste en renseignement financier (FININT), met en évidence des schémas de décaissements jugés atypiques, aujourd’hui au cœur de l’attention judiciaire.

L’analyse porte principalement sur deux comptes institutionnels du ministère :

  • un compte domicilié à la BGFI Bank Gabon ;

  • un compte spécial ouvert à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC).

Sur ces deux supports, les enquêteurs relèvent une prédominance de retraits en espèces, parfois de plusieurs centaines de millions de francs CFA. Une pratique considérée comme hautement inhabituelle dans la gestion de projets publics, où les règles de bonne gouvernance privilégient les virements traçables vers des entreprises ou prestataires clairement identifiés.

Le mémorandum d’analyse établit une corrélation récurrente entre ces mouvements financiers et un cercle restreint de collaborateurs et de proches de l’ancien ministre. Parmi les noms cités figurent notamment :

  • Christian Jonhson, directeur de cabinet et signataire du compte BGFI ;

  • Charles Joseph Igoho, conseiller financier ;

  • Claude Louembe, chef du protocole et frère du ministre ;

  • Clawdys Ambourouwe, secrétaire du ministre et sa nièce ;

  • Karel Worabaye, secrétaire de cabinet et belle-sœur ;

  • Gaston Essia, conseiller technique et chef de projet.

Cette concentration d’opérations autour d’un même réseau familial et relationnel constitue, selon les analystes, un signal d’alerte majeur en matière de gestion des deniers publics.

L’analyse met également en exergue la responsabilité des signataires des comptes, considérés comme un axe prioritaire de l’enquête. Il s’agit notamment de :

  • Christian Jonhson, pour le compte BGFI ;

  • Mme Tapoyo, Directrice des Affaires Centrales et Financières (DCAF), co-signataire du compte CDC avec le ministre.

Leur position stratégique dans la validation des opérations financières soulève des interrogations sur les mécanismes de contrôle interne et sur la conformité des procédures suivies.

Sur le compte BGFI, plusieurs retraits significatifs sont relevés :

  • 250 millions FCFA au nom de Christian Jonhson ;

  • 100 millions FCFA au nom de Charles Joseph Igoho ;

  • des dizaines de millions de FCFA au bénéfice de Claude Louembe et Gaston Essia.

Du côté de la CDC, les crédits cumulés atteignent près de 5,85 milliards de FCFA entre 2023 et 2025, avant des décaissements en espèces impliquant plusieurs personnes identifiées par l’enquête.

Les fonds concernés étaient pourtant destinés à des projets clairement identifiés :

  • le paiement d’un hôtel touristique à Moanda, pour un montant estimé à 2,6 milliards de FCFA ;

  • la construction de six écolodges.

Or, le recours massif à des retraits en espèces par des individus, plutôt qu’à des paiements directs et traçables vers des entreprises ou fournisseurs, apparaît en contradiction directe avec les pratiques normales de financement d’infrastructures publiques.

L’analyse financière met en évidence plusieurs points de vigilance :

  • un risque de conflit d’intérêts lié à l’implication de proches ;

  • une atteinte à la traçabilité des fonds publics ;

  • l’absence, à ce stade, de justifications économiques documentées (factures, contrats, preuves de service fait) pour expliquer certains retraits en espèces.

Autant d’éléments qui justifient, selon les enquêteurs, la poursuite d’investigations approfondies.

Dans ce contexte sensible, une exigence s’impose : laisser la justice faire son travail, librement, sans pression ni interférence. Les faits évoqués relèvent désormais du champ judiciaire, seul à même d’établir les responsabilités éventuelles et de déterminer si les règles de gestion des finances publiques ont été respectées ou non.

La présomption d’innocence demeure pleinement applicable à toutes les personnes citées, tant qu’aucune décision de justice définitive n’a été rendue.

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