Alors que de nombreux pays africains affichent des croissances démographiques dynamiques, le Gabon reste à contre-courant. Entre stagnation de la population, mortalité maternelle élevée et recours accru à la main-d’œuvre étrangère, le pays est confronté à une équation socio-démographique complexe aux implications économiques profondes.
Avec environ 2,3 millions d’habitants estimés entre 2022 et 2024, contre 1,8 million en 2014, le Gabon n’a enregistré qu’un demi-million de naissances en dix ans. Une croissance lente confirmée par les prévisions de Trading Economics, qui tablent sur 2,53 millions d’habitants à l’horizon 2025, soit un rythme bien inférieur à la moyenne africaine. Ce chiffre interpelle dans une région, la CEMAC, où les taux de natalité demeurent élevés.
Derrière cette dynamique atone se cache un paradoxe : un pays riche en ressources naturelles mais fragilisé par des indicateurs sociaux peu performants, en particulier sur le plan de la santé reproductive et infantile.
Malgré les efforts déclarés dans les plans de développement, la mortalité maternelle reste l’une des plus élevées de la sous-région, avec 339 décès pour 100 000 naissances vivantes, selon un rapport du ministère de la Planification et de la Prospective. À titre comparatif, le taux de mortalité infantile est estimé à 9 pour 1 000 naissances vivantes.
Les causes sont bien identifiées : complications obstétricales non prises en charge, accouchements non médicalisés, insuffisance d’infrastructures de santé primaire et défaut d’accès à des soins de qualité.
Du côté des enfants de moins de cinq ans, les infections respiratoires aiguës, le paludisme, la malnutrition et les diarrhées sévères restent les principales causes de décès évitables. Ces pathologies, bien que connues, continuent de tuer en raison d’un système sanitaire encore sous-dimensionné, notamment en zone rurale.
La stagnation démographique et la faible disponibilité de main-d’œuvre locale qualifiée ont poussé le Gabon à recourir massivement à la main-d’œuvre étrangère, notamment dans les secteurs du bâtiment, de l’agriculture, et des services.
Ce phénomène, qui semble s’accentuer, soulève des questions de souveraineté économique, mais aussi de durabilité. Sans une politique vigoureuse de soutien à la natalité et de réforme du système éducatif et sanitaire, la dépendance aux compétences extérieures risque de s’ancrer durablement.
Alors que le pays entame une transition politique majeure, l’enjeu démographique devrait être érigé en priorité stratégique, au même titre que les réformes institutionnelles et économiques.
Repenser la politique de population ne se résume pas à une question de natalité : il s’agit de garantir une génération en bonne santé, éduquée et insérée économiquement. C’est aussi un impératif pour assurer la viabilité des politiques d’aménagement du territoire et pour répondre à la demande sociale grandissante.
Le Gabon fait face à un défi silencieux mais fondamental. Sans inflexion majeure de ses politiques sociales et sanitaires, le pays risque de rester en marge des dynamiques africaines de croissance inclusive. La refondation du pacte social autour de la démographie est plus que jamais une urgence stratégique.