La décision est tombée le 13 décembre 2025 et continue de faire des vagues sur la scène politique nationale. L’Union démocratique des bâtisseurs (UDB) a prononcé la suspension à titre conservatoire de Fiacre Mpako Ngoma, député du deuxième siège de la Zadié-Mekambo, coupable, selon son parti, de s’être publiquement opposé à la taxe forfaitaire d’habitation portée par le gouvernement. Une sanction qui relance avec acuité le débat sur l’autonomie des parlementaires et les limites de la discipline partisane dans la jeune démocratie gabonaise de l’après-Transition.
Dans une décision référencée n°00001/UDB/SG, signée par le secrétaire général adjoint chargé des Élections, Mesamir Ngabikoumou Mbama, le parti présidentiel reproche à son élu d’avoir diffusé sur les réseaux sociaux « un message incitant à la révolte contre la taxe d’habitation proposée par le Gouvernement ». Pour l’UDB, la gravité des faits justifie une mesure conservatoire destinée à « préserver le bon fonctionnement et la discipline interne du Parti ».
Le document officiel précise par ailleurs que « le cadre d’expression d’un Député, élu du peuple sous la bannière de l’Union démocratique des bâtisseurs, est l’Assemblée nationale ». Une formulation qui soulève une question centrale : un élu peut-il librement exprimer une opinion divergente en dehors de l’hémicycle lorsque celle-ci entre en contradiction avec la ligne de son parti ?
La suspension, effective immédiatement, interdit à Fiacre Mpako Ngoma toute activité au sein ou pour le compte de l’UDB, en attendant la décision définitive du Conseil de discipline. Les responsables du parti, à tous les niveaux, sont chargés d’en assurer l’application stricte.
Loin d’accepter la sanction en silence, le député suspendu a choisi de contre-attaquer. Dans une lettre adressée au président fondateur de l’UDB, il dénonce ce qu’il qualifie de dérive préoccupante au sein du parti. « Votre œuvre politique, porteuse d’espoir et de renouveau, est aujourd’hui investie par certains acteurs aux pratiques de manipulation », écrit-il, accusant certains responsables de se servir de la formation politique pour satisfaire des intérêts personnels.
Fiacre Mpako Ngoma pointe également une « transhumance politique opportuniste », dénonçant la présence, selon lui, d’anciens cadres du Parti démocratique gabonais (PDG) au sein de l’UDB. Il y voit « un véritable poison » pour la vision fondatrice du parti et affirme qu’« il est préférable de connaître ses ennemis que de transporter des souris dans un sac d’arachides ». Le député annonce par ailleurs la tenue prochaine d’une conférence de presse au cours de laquelle il entend dénoncer le népotisme, la perte de repères idéologiques et certaines pratiques qu’il juge malsaines au sein de l’UDB.
Cette affaire intervient dans un contexte déjà tendu, marqué par la controverse autour de la taxe forfaitaire d’habitation. Adoptée en Conseil des ministres le 4 décembre 2025, cette mesure, dont l’entrée en vigueur est prévue pour 2026, doit être prélevée mensuellement via les factures d’électricité émises par la SEEG. Elle suscite une vive opposition dans l’opinion publique, dans un climat de cherté de la vie et de défiance persistante vis-à-vis de la gestion des finances publiques.
Le gouvernement défend pour sa part une réforme qu’il juge indispensable pour élargir l’assiette fiscale, financer les infrastructures et soutenir la relance économique. Mais son application reste suspendue au vote du Parlement, plaçant les élus au centre d’un débat sensible où se joue la crédibilité des nouvelles autorités.
En sanctionnant l’un de ses députés pour avoir exprimé publiquement une position contraire à la ligne gouvernementale, l’UDB met en lumière une question fondamentale : jusqu’où peut aller la discipline partisane face au mandat conféré par le peuple ? La décision à venir du Conseil de discipline sera scrutée de près, tant elle dira beaucoup de la conception que le parti présidentiel se fait de la démocratie parlementaire. D’ores et déjà, l’épisode a déplacé le débat : de la seule taxe d’habitation vers un enjeu plus large, celui de la gestion de la dissidence politique dans un système démocratique en construction.



